Si les hommes croyaient en la survie,
la face du monde serait changée.
Par Jean Prieur
Cette phrase que dicta Roland de Jouvenel, dans un de ses messages à sa mère, mérite quelques développements. Si les hommes croyaient en la survie, beaucoup moins nombreux seraient ceux qui pensent : « Tout est permis, tout est possible, il suffit de ne pas se faire prendre ; et même si l'on se fait prendre, qu'est-ce qu'on risque ? La justice humaine est si arrangeante, la boiteuse est si bonne fille. » La face du monde serait changée : le mal serait moins arrogant, moins sûr de lui, à l'idée de rencontrer un jour cette justice aux balances exactes qui a pour nom : loi de cause à effet. Messieurs les assassins, preneurs d'otages, bourreaux ou ravisseurs d'enfants, seraient au moins retenus par la peur de se retrouver, de l'Autre Côté, dans les angoisses de leurs victimes. La face du monde serait changée : le crime de sang serait plus rare. Plus rare aussi le crime mental qui consiste à détruire psychiquement un être par la critique incessante, l'humiliation, la calomnie. Le crime mental, qui échappe entièrement à la justice humaine, est encore plus révoltant que l'autre, parce qu'il ne prend aucun risque, s'étale sur des années et parfois sur toute une existence. La face du monde serait changée : ceux qui ont opté et oeuvré pour le mal seraient en partie freinés. En revanche, ceux que le malheur accable se diraient : « Je suis dans le creux de la vague, bientôt j'émergerai et, si les beaux jours ne surviennent pas ici, ils surviendront dans l'autre vie. » Les aveugles, les sourds, les handicapés, les paralysés supporteraient mieux leur épreuve en sachant qu'elle est provisoire et que, dans un corps spirituel délivré de toute infirmité, ils verront, ils entendront, ils marcheront. | |
La tentation du suicide disparaîtrait, puisque ce geste ne débouche pas sur le néant, puisque l'on retrouve là-bas les problèmes auxquels on croyait échapper. La drogue, ce suicide partiel, ferait moins de ravages et les prophètes de l'absurde auraient moins de zélateurs. La vieillesse ne serait plus une période de stagnation et d'anxiété, mais le temps précurseur de la nouvelle naissance, l'attente du renouveau et du recommencement. Ceux qui ont perdu un être aimé, principalement un être jeune, continueraient, certes, à être déchirés sur le moment. Mais l'apaisement viendrait plus vite et il aurait bientôt les caractères de la joie. Si les hommes croyaient en la survie, ils comprendraient le sens intime des Ecritures, elles ne leur apparaîtraient plus comme des récits mythologiques, elles auraient enfin à leurs yeux un contenu objectif, et les religions seraient enfin fidèles à leur vocation, qui est d'apporter au monde les paroles de la Vie Eternelle. Bref, si les hommes croyaient en la survie, la mort ne serait plus la reine des épouvantes, le mal serait moins mauvais, le bonheur moins fragile, les épreuves moins lourdes, la Révélation plus claire et la vie plus vivable. |
Texte retranscrit sur le site de l'association Cyclamen avec l'aimable autorisation de Jean Prieur
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